Les belles histoires de Tonton PierreChaque campagne électorale qui passe met en avant le sujet de l’économie. J’ai pu constater à maintes reprises que très peu de personnes savaient, en fait, ce que l’on cachait derrière ce mot mystérieux « économie » bien que, tout le monde l’accorde, ce Monde Economique soit au cœur de notre monde quotidien.

Qu’on égorgeât certains sur l’Autel de l’économie, soit, mais, au moins, qu’ils sachent pourquoi ils meurent !

Je m’excuse dès à présent auprès des spécialistes pour les approximations que je vais commettre mais je tiens à ne pas faire trop long ni trop compliqué, pour demeurer compréhensible par les non-spécialistes, même des informaticiens. Mon ambition est aussi et peut-être surtout de présenter les vrais enjeux et les vraies questions, rarement posées en public, sur un certain nombre de sujets en vous apportant des éléments de réponses personnels ou non.

1. Les Grandes Notions

Avant de discourir sur des thèses ou des études, il faut d’abord définir les grandes notions que nous allons ensuite utiliser. Cette première partie ne s’adresse donc qu’aux non-spécialistes, ne serait-ce que pour leur éviter une crise cardiaque aux autres devant les simplifications (outrancières ?) auxquelles je vais procéder.

1.1 Qu’est-ce que l’économie ?

Cette science du foyer (sens étymologique d’Economie) fut donc d’abord celle de la gestion de la ménagère et de l’entrepreneur bien avisés. Ce que l’on nomme la micro-économie. Economie et Ecologie ont la même racine étymologique : le foyer, la niche, l’endroit où l’on habite. Il s’agit dans l’un et l’autre cas, économie et écologie, d’étudier ce qui se passe au sein de notre habitat, les relations entre les différents personnages présents, ce qu’ils échangent, pourquoi ils le font et comment. Economie et Ecologie sont les sciences de l’échange dans un endroit déterminé, un système, un foyer. Seule la nature des échanges étudiés varie entre l’écologie scientifique et l’économie.

Imaginons maintenant une clairière en plein pléistocène. Un tyrannosaure survient derrière un paisible troupeau de diplodocus. L’un de ces derniers échange un morceau de son arrière-train contre la vie sauve avec le nouveau venu. S’agit-il d’un échange écologique ? Sans aucun doute : c’est la simple exécution des règles de la chaîne alimentaire. S’agit-il d’un échange économique ? La réponse est cette fois négative. Pourquoi ? D’abord parce que, comme toute bêtise, l’économie est strictement humaine. Mais la principale raison est que l’économie ne s’intéresse qu’aux échanges onéreux. Un échange onéreux est valorisé, par exemple par de l’argent, mais aussi par la voie d’un troc. L’échange économique est équilibré : les éléments échangés entre eux par les acteurs économiques sont sensés avoir, pour l’un et l’autre du moins, la même valeur. Or notre cher diplodocus est incapable de donner la moindre estimation du prix du kilo de viande de dinosaure à Rungis mardi dernier ou du prix de sa modeste vie. Laissons donc là nos dinosaures et l’écologie et concentrons-nous désormais sur la seule et obsédante économie, la science des échanges onéreux.

1.2 Micro- et Macro-Economie ; Les marchés.

La Micro-Economie est la science des échanges onéreux à petite échelle. Autrement dit, elle étudie les échanges économiques entre des individus économiques, qu’il s’agisse de particuliers, d’entreprises ou de banques (ces dernières sont des entreprises ayant un rôle très particulier, d’où leur distinction ici). On rattachera donc à cette branche de l’économie les disciplines de gestion, le Marketing (Marchéage ou Mercatique selon J. Toubon) en particulier.

La Macro-Economie, elle, se moque bien du sort d’Untel et de Machin S.A. ou de celui du Crédit Papouasien. Elle ne se préoccupe de ceux-là qu’en des termes statistiques. La Macro-Economie est politique, étatique. Ses domaines sont les PNB/PIB, les Masses Monétaires, les taux d’inflations ou de changes… Nous allons revenir sur ces notions plus tard.

Si l’on dit qu’il y a échange, il y a nécessairement quelqu’un qui va proposer quelque chose et quelqu’un qui recherche ce quelque chose. Le premier sera nommé Offreur et procédera donc à une offre. Le second sera un Demandeur et procédera donc à une demande. Le lieu fictif de confrontation entre Offres et Demandes est dénommé Marché. Ce marché peut-être étudié à plusieurs niveaux : le Marché en général, lieu de tous les échanges économiques; le Marché de tel type de biens ou de services; le Marché d’un bien très précis; etc…

Le fait qu’il y ait confrontation entre une offre et une demande ne signifie néanmoins pas qu’il va y avoir échange. Si vous allez au supermarché du coin et que vous voulez des œufs frais, vous trouverez peut-être des œufs frais sur place mais à un prix qui ne vous conviendra pas, 70 F/œuf par exemple. Il est peu probable alors que vous achèterez ces œufs et, donc, qu’il y ait échange économique entre vous et le supermarché, échange d’argent contre les œufs en l’occurrence.

Le grand problème de tous les économistes est simple : comment faire en sorte que le marché fonctionne au mieux ? J’ai bien dit tous les économistes, marxistes inclus donc. L’économie étudiant toujours les marchés, par définition, le terme d’économie de marché est donc un pléonasme qui s’applique tout autant aux économies marxistes qu’aux économies capitalistes.

D’abord, il faut commencer par définir au mieux. Est-ce que le Marché va bien lorsque la valeur de ce qui est échangée est la plus importante possible (tendance libérale), lorsque tout le monde a ce dont il a besoin (tendance marxiste) ou … les deux (tendance plus ou moins keynésienne) voire même autre chose ? Peut-on dire que la marché va bien, par exemple, lorsque les acteurs mènent l’espèce humaine à la catastrophe par la non-prise en compte des conséquences environnementales (j’évite volontairement un certain mot dont le sens est, en fait, beaucoup plus large) ? Le drame de l’économie a toujours été la non-prise en considération par les différentes théories de ce que l’on nomme poétiquement les externalités, c’est à dire des phénomènes non-économiques.

Est-ce la concurrence entre offres différentes qui va faire en sorte que l’Offre et la Demande vont s’ajuster ? La concurrence devra-t-elle être absolue et anarchique (Libéralisme), encadrée (Keynésisme), modulée (néo-Libéralisme qui admet les services publics), voire absente (Marxisme) ?

Le Monopole est la présence d’un seul offreur, généralement étatique ou para-étatique. L’Oligopole est, lui, un marché dominé par peu d’acteurs : le Pétrole, l’Informatique… Le Monopsone est la présence d’un seul demandeur, généralement étatique ou para-étatique encore une fois : l’armée pour le matériel militaire par exemple. On peut également parler quelque fois l’Oligopsone, lorsqu’il y a peu de consommateurs potentiels mais qu’un marché existe tout de même, par exemple dans la fourniture de matières ou de services à l’industrie lourde ou le service aux collectivités locales.

1.3 Qui échange quoi ?

Le bien qui sera souvent échangé contre un autre bien est l’Argent. Nous allons revenir à son histoire et sa raison d’être. Il existe donc un Marché Monétaire où l’on pourra se procurer cet argent : marché des changes, bien sûr, pour échanger des dollars contre des roubles mais aussi et surtout marché du crédit.

Pour obtenir de l’argent, il faudra en principe le gagner par la sueur de son front. Il existera donc un marché du travail (aussi appelé marché de l’emploi, ce qui est, en fait, son exact inverse, nous allons le voir).

Enfin, biens et argent s’interéchangeront sur des marchés de biens et services.

Les entreprises vont donc acheter des fournitures, des matières premières, des services, du crédit et du travail. Elles vont vendre leurs épargnes, leurs produits, leurs emplois. Les banques vont vendre du crédit et acheter de l’épargne (le prix de l’argent est l’intérêt versé par l’emprunteur à l’emprunté). Les personnes physiques vont acheter du crédit, des biens, des services et vendre leur épargne et leur travail. L’Etat, enfin, se fournit en ressources par le biais des impôts et taxes et dépense cet argent sous forme d’allocations, de salaires de fonctionnaires, d’équipements collectifs, etc…

Sur le marché du travail, l’offreur est le travailleur et l’entreprise la demandeuse. Sur le marché de l’emploi, c’est donc bien l’inverse, ce qui a d’énormes conséquences sur la stratégie et l’état d’esprit de qui cherche à travailler : est-il client ou bien fournisseur ?

Comme il y a toujours échange équilibré, l’économie ne devrait normalement être qu’un vaste circuit où rien ne se perd et rien ne se créé vraiment, où la consommation serait compensée par la création. Oui, mais voilà : cet idéal n’est jamais vrai. La première raison est que, théoriquement, l’homme progresse. La quantité de biens produits va donc être toujours en croissance et plus forte que la quantité de biens consommés dans l’intervalle de temps précédent. Cette croissance est rendue techniquement possible par le crédit qui augmente artificiellement la valeur totale du marché. Mais un article entier au moins est nécessaire pour expliquer ce mécanisme… Arrêtons nous donc là pour l’instant.

1.4 La monnaie

Imaginons d’abord Mr et Mme Caverne voulant acheter un steak de tigre à dents de sabre. Ils n’ont comme seul bien qu’un mamouth qui leur permet de transporter les chargements de bois du village. Notons tout d’abord que le problème que je vais évoquer n’apparaît que lorsque la seule anarchie (au sens originel et politique du mot) communautaire ne suffit plus à l’organisation sociale. Le transport de bois n’est pas aussi dangereux, difficile et long que la chasse puis l’équarrissage du tigre à dents de sabre (vous remarquerez que nous sommes passés du pléistocène au néolithique, ce qui prouve l’avancée inexorable du temps dans cet exposé). Il est donc logique que la viande de tigre soit plus chère qu’un transport de bois. Première solution : faire plusieurs transports de bois pour un seul chasseur afin que celui-ci donne en échange un steak de tigre. Bon. Manque de bol : un seul transport de bois suffit à chaque chasseur mais, inversement, Mr Caverne ne veut qu’un seul steak et n’aura donc qu’un seul chasseur pour fournisseur. Comment faire ? Il faut en quelque sorte que chaque chasseur paye une partie du steak désiré par Mr Caverne. Mais comme il est difficile de ne chasser qu’un demi-tigre, la solution sera de dématérialiser l’échange. La contre-partie du transport comme du steak ne sera pas l’un pour l’autre mais, à chaque fois, un bien que l’on peut conserver sans qu’il pourrisse ou s’oxyde et fractionner à merci facilement, bref la Monnaie.

C’était la première étape. Au départ, l’Or était la Monnaie. Sa valeur intrinsèque incontestable (les bijous en or sont très jolis), son inoxydabilité, sa malléabilité, sa fractionnabilité, etc… en faisait quelque chose d’idéal pour fabriquer une monnaie. La Monnaie était donc bien au départ une valeur en elle-même. Seulement, le poids de l’or n’était pas négligeable. Et puis, il pouvait être intéressant d’échanger avec, comme monnaie, des fractions de biens immobiliers ou autres. Sont alors apparus les billets de banque, gagés sur une encaisse métallique (la somme des valeurs des billets équivalait à celle d’un stock d’or) puis sur des immeubles (Assignats) puis sur une monnaie elle-même gagée sur l’or (le dollar) puis sur rien (aujourd’hui, depuis la fin de l’équivalence or-dollar), ou, plus exactement, sur l’ensemble des autres monnaies qui ne sont plus gagées elle-même que de la même manière. Le taux de change entre deux monnaies est donc aujourd’hui purement consensuel et ne repose plus sur rien de concret, d’où un certain nombre de problèmes…

On ignore souvent que les Templiers sont les vrais inventeurs de la Carte Américan Express au Moyen-Age (Tiens, après le pléistocène et le néolithique, nous voici déjà là ???) : « Vous partez en Croisade ? Pour vos faux-frais sur place, pensez à prendre des billets des Templiers : moins lourds qu’une caisse d’or, ils vous permettront de prendre dans n’importe quelle Commanderie la somme déposée dans la Commanderie la plus proche de votre domicile, déduction faîte de frais de garde. »

La monnaie est bien sûr vitale : seuls les demandeurs solvables seront intéressants sur le plan économique : si vous êtes demandeur d’un pain mais que vous n’avez pas un sou, les boulangers, les offreurs, de vous vendront pas de pain. L’échange n’aura donc pas lieu.

1.5 Emois, Emois et moi ?

Parodier une chanson de Jacques Dutronc ou reprendre le titre d’un des ouvrages de ce créatif à lier nommé Jacques Séguéla pour un titre de paragraphe ne peut signifier qu’une chose : nous allons parler de marketing, ou comment mettre en émois le consommateur pour qu’il achète votre produit.

Nous venons de voir ce qu’était un marché, une offre, une demande. Bon. Mais l’échange ne se fait-il qu’en fonction de la nature physique du produit ou du service ? La réponse est, bien sûr, négative.

Le Marketing définit, pour simplifier, quatre variables (nommés 4 “ P ”) pour caractériser un produit/service.

La première est le PRODUIT lui même, sa nature physique, sa réalité intrasèque : des petits pois de tel calibre, des œufs frais, la tonte de votre pelouse, etc…

La deuxième est son PRIX : la décision d’échange ne se prendra que s’il y a accord sur le prix entre le vendeur et l’acheteur. Une voiture peut valoir 85 000 F ou 120 000 F, être strictement la même sur le plan mécanique ou du design et, pourtant, ne pas être tout à fait la même.

La troisième est sa PUBLI-PROMOTION, l’image que l’on voudra donner de ce produit : si vous marquez Ferrari sur votre voiture, ce n’est pas pareil que Skolada. Cet aspect du produit intègre son design et son emballage, la publicité, etc…

Sa dernière, enfin, est sa PLACE, sa distribution : où et quand le consommateur pourra-t-il acheter le produit ?

Mixez ces différents aspects de votre produit (faîtes un Mix-Marketing), rendez-les cohérents et pertinents (évitez de vendre un œuf pas frais à 70 F pièce en boutique de vêtements en le vantant comme étant du dernier chic) et le consommateur craquera : il se précipitera pour acheter votre machin, sous réserve, bien sûr, qu’il soit solvable.

2. Et si on se posait des questions ???

2.1 La fin des idées… ologies

Une idéologie est un système cohérent d’idées. Ne pas avoir d’idéologie, c’est donc ne pas avoir d’idées. Je suis donc toujours surpris de voir des hommes politiques se traiter d’idéologues. Etre un idéologue, c’est une qualité. Au contraire, ne pas avoir d’idée mais des dogmes, être dogmatique, voilà bien, en politique comme ailleurs, un énorme défaut. La nature cérébrale ayant horreur du vide, nous allons voir que ceux qui ne sont pas des idéologues sont…

Si vous voulez briller dans un dîner mondain, utilisez le terme chic et pas cher de paradigme.

De quoi s’agit-il ? Grosso-Modo, c’est un synonyme de Théorie Economique, ou, plutôt, de Groupe de Théories Economiques Proches ou Apparentées. En effet, si, aujourd’hui, tous les physiciens reconnaissent la Loi de Gravité, aucun économiste n’est d’accord à 100% avec son voisin, même sur des éléments de base. Il existe donc autant de théories économiques que d’économistes. Mais il se dégage tout de même trois grandes familles de théories : les trois paradigmes actuels.

Le Paradigme Libéral est né au XVIIIème siècle, sur les bases du Colbertisme ou du Malthusianisme, ce qui prouve sa modernité et son actualité par rapport au Marxisme (fin XIXème siècle) ou au Keynesisme (première moitié du XXème siècle). Chacun de ces paradigmes a bien sûr évolué au fil des ans, donc ne me faîtes pas dire que je me moque des libéraux modernes qui se gaussent des marxistes dépassés ou des keynésiens arriérés. Non, non, loin de moi cette idée…

Le Paradigme Libéral repose sur une idée simple : la nature est parfaite. Laissez les marchés totalement libres, sans réglementation ni taxe, et tout ira pour le mieux dans le meilleur des mondes. Pour vendre, il faudra en effet que le vendeur plaise à l’acheteur. Pour acheter, il faudra que ce dernier soit solvable. Donc offre et demande s’auto-équilibreront sur tous les aspects du mix-marketing car acheteur et vendeur s’entre-adapteront spontanément. Autrement dit, la somme des intérêts individuels (vendre est l’intérêt du vendeur, acheter est l’intérêt de l’acheteur) donnera l’intérêt collectif. Le raisonnement vous parait fumeux et quelque peu léger ? Que nenni ! Croyez en la Main Invisible (Dieu pour tous et tous pour le Marché ?) qui harmonise ces intérêts individuels et tout ira bien… Cette Main Invisible, ce n’est pas moi qui l’invente : c’est la très sérieuse justification officielle du libéralisme. Il est vrai que cette doctrine ne s’intéresse qu’aux personnes solvables… Que vous perdiez ou acquériez cette qualité n’est pas de son ressort. Vous ne croyez pas à la Main Invisible, au Marché et à ses saints boursicoteurs ? Au bûcher, Hérétique ! Arriéré ! Idéologue Marxiste !

Le paradigme marxiste-léniniste repose sur les travaux de Marx et les expériences de Lénine en URSS. Marx a essentiellement critiqué le capitalisme. Lénine s’est basé sur les quelques projections de Marx sur la société idéale pour créer un système étatiste dont nous avons connu l’échec. Mais, bon, y’a que ceux qui font rien qui ne se trompent pas … La critique marxiste est totalement fondée et demeure particulièrement pertinente aujourd’hui : personne ne dit le contraire, pas même les libéraux. Cette analyse démontre que le capitalisme va s’auto-détruire par la non-prise en compte des données sociales. Pour conserver leurs profits, les capitalistes sont en effet obligés de baisser le coût de la main d’œuvre au fur et à mesure de leurs investissements. Or, pour éviter le chômage, il faut que la main d’oeuvre accepte cette baisse de salaire (en tant que proportion de la valeur de la production), jusqu’au jour où la baisse du taux de salaire est telle que les salariés se révoltent et que les patrons ne trouvent plus d’acheteurs solvables… J’insiste sur un point important : j’ai parlé de taux de salaire et non de salaire en valeur. Donc, tant que la baisse du taux de salaire est plus faible que la hausse de la valeur de la production, le salaire continue de monter jusqu’au jour où la valeur de la production n’augmente plus assez (situation de crise). Marx prédit donc l’effondrement du capitalisme. Bon. Mais par quoi le remplacer ? C’est là que Lénine (et d’autres avant et après lui), se basant sur quelques travaux annexes de Marx, entre dans la danse… Les bourgeois sont coupables de connerie ? Confions les moyens de production aux travailleurs dès que ceux-ci ne seront plus illettrés (comme en Russie en 1917). En attendant, leur représentant et leur défenseur, le Parti, composé d’intellectuels à leur service, s’occupe de tout…

Dans les années trente, au vingtième siècle, est apparu un Homme, un Chevalier Blanc, qui voulait sauver la douce et belle Economie Capitaliste des griffes de l’odieux et terrible Marx. “ Diable ! ” se dit Keynes. “ Comment faire en sorte que le capitalisme ne s’autodétruise pas ? Comment empêcher les marchés de ne pas aboutir à leur auto-assèchement par génocide des Solvables ? Sauvons la Propriété Privée (surtout ma maison de campagne dans le Kent où je ne veux pas voir débarquer d’odieux prolétaires bolcheviks avec des bottes pleines de boue et des mains graisseuses) ! ” Il eut alors une idée de génie : faire intervenir l’Etat pour réguler les marchés dès que ceux-ci faisaient spontanément des conneries. En particulier, empêchons l’assèchement des marchés par génocide des Solvables en pratiquant d’autorité des hausses de salaires (Relances). Bon, ce n’est pas la panacée : en effet, si l’on ne bloque pas en même temps les prix, l’inflation, également relancée par l’amoindrissement préalable du bénéfice patronal (que les entreprises veulent restaurer en augmentant les prix), a vite fait d’annuler la hausse de salaire. Si on est en économie ouverte et si les prix sont moins chers à l’étranger, les consommateurs vont se précipiter sur les produits étrangers (exemple : la France en 1981), etc…

Bref, aucun paradigme actuel n’est satisfaisant, même si, avec des adaptations, le dernier en date est le plus intéressant : les mesures de l’Etat peuvent aussi viser à l’intégration des fameuses externalités (environnement, données sociales…). L’Economie continue donc de chercher son Darwin.

Politiquement, presque tous les partis de gouvernement se réclament d’ailleurs peu ou prou de Keynes, du moins en France. Le Gaullisme, héritier historique du Bonapartisme, est fondamentalement Keynésien, presque socialiste dans son interventionnisme : la politique de la France ne se décide pas à la Corbeille disait De Gaulle, ce qui ressemble, le panache en moins, à un “ La Bourse ? Rien à cirer ! ” de Edith Cresson. Inversement, le pompidolo-giscardo-balladurisme est infiniment plus libéral, ce qui rend donc naturelle la lutte (qui n’est pas fratricide sur le plan idéologique) entre Balladuriens et Chiracquiens. Le P.S. est, lui, clairement et officiellement Keynesien, tout comme les Verts, le C.D.S. (au sein de l’U.D.F.) ou Radical. Le parti nazi, National-Socialiste, ne se cachait pas de sa volonté étatiste. Le Front National est, comme d’habitude, beaucoup plus flou (la rumeur publique prétend que son souci de cohérence le pousserait à abriter dans ses rangs tous les bons français, ultra-libéraux et ultra-interventionnistes) afin de ne prêter le flan à aucune critique trop grave. Quant au Parti Communiste (Staliniste) ou à Lutte Ouvrière (Trotskyste), le Léninisme est leur base commune.

2.2 Soyez des dogmatiques modernes !

Lorsqu’un pays ou un homme politique ose remettre en cause, même légèrement et indirectement, le principe de la marche en avant inéluctable vers le Marché Unique Libre Mondial, il est aussitôt taxé par les libéraux de la Pensée Unique (ce qui est un comble : être taxé par des gens qui ne veulent plus voir de taxes !) d’Arriéré et sa proposition, si elle a le malheur d’être appliquée, de Grand Bond en Arrière. En effet, pour un Libéral très Libéral, toute personne qui ne pense pas comme lui est nécessairement un arriéré, un débile, bref, un marxiste-communiste-fasciste. Vous savez bien que la seule manière d’avancer, c’est d’aller en avant… vers le libéralisme absolu. Toute autre direction est donc l’arrière. Si on s’éloigne du libéralisme, on va donc en arrière, donc on recule. Imparable !

Mais pourquoi veut-on un tel marché mondial libre ? Contrairement à ce que ce qui précède peut laisser entendre, je crois que c’est effectivement, à terme, nécessaire. Mais pas n’importe comment ni n’importe quand !

Le grand problème posé sur un plan macro-économique en premier par Marx (puis par tous les économistes) est celui de l’amortissement des investissements. Avec l’amélioration technique, toute production nécessite des investissements de plus en plus importants. Cela suppose donc deux choses : avoir plus de clients pour amortir ces frais énormes initiaux et fixes sur plus de clients et, donc, ne pas monter trop les prix de vente unitaires; et disposer au départ de plus en plus de moyens financiers (capitaux) pour pouvoir réaliser les recherches durant lesquelles aucune entrée d’argent ne peut être envisagée. Donc, avec l’évolution technique, il faut agrandir son marché et concentrer les entreprises. Mais si les entreprises se concentrent, au bout d’un certain temps, il ne restera plus qu’une seule entreprise, un monopole. Or on sait que l’économie capitaliste nécessite la concurrence. Comment s’en sortir ? La seule solution est de créer entre pays des marchés uniques et libres : chaque entreprise de chaque pays gagne ainsi des concurrents issus d’autres pays et la possibilité de séduire plus de clients. Avec le temps, ces zones de libre-échange doivent encore s’agrandir pour éponger la réduction de la concurrence et l’extinction du réservoir de clients solvables. A terme, donc, le marché unique mondial puis sidéral est donc indispensable si l’on veut continuer de progresser sur le plan technique. Bon. Mais la médaille a son revers, ce qu’oublient les Libre-Echangistes.

En état de concurrence, on l’a vu, les différentes entreprises vont devoir se battre pour mieux satisfaire le client potentiel et donc être choisie par lui. C’est ainsi que le marché va s‘auto-réguler dans une certaine mesure. En particulier, le consommateur est vigilant sur les prix. Il faudra donc être le moins cher possible. Mais comment amortir les investissements si on baisse les prix ? En baissant les coûts salariaux ! Quand je vous dis que l’analyse par le paradigme marxiste du capitalisme est toujours valable et vérifiée. Pour baisser les coûts salariaux dans des états keynesiens qui détestent ça et qui ont instauré des tas de règles embettantes et couteuses (SMIC…), il suffit de produire dans des pays libéraux où la main d’oeuvre est corvéable à merci et d’importer dans des états keynesiens. C’est ce qui s’appelle la délocalisation.

Pour empêcher ce phénomène, c’est très simple : il suffit d’instituer des taxes dissuasives à l’entrée des pays keynesiens rassemblés en une zone de libre-échange pour conserver les avantages du libre-échange sans en subir les inconvénients. Autrement dit : Construisons une Europe forte qui sera protectionniste vis-à-vis des pays “ encore ” (pardon : “ déjà ”) libéraux. Halte là, Malheureux !!! Pauvre fou ! Hérétique ! Et le Libre-Echange alors ? Comment les Américains vont-ils pouvoir envahir notre marché européen avec leurs produits subventionnés, en particulier agricoles, si on fait ça ? Voilà où on en est aujourd’hui… Et la Commission Européenne (comme le Conseil des Ministres Européens) oublie un point essentiel de l’esprit du Traité de Rome (instituant la Communauté Economique Européenne) et qui n’a pas été modifié par le Traité de Maastricht (instituant l’Union Européenne) : la Préférence Communautaire.

2.3 Les chaînes ultra-longues, pour piéger les gogos…

A plusieurs reprises, nous l’avons vu, le principal problème rencontré est l’augmentation tendancielle des prix, ce qui est nuisible à la consommation, donc à la santé économique.

Comment faire chuter les prix à la consommation ? Le producteur est coincé : il est obligé de monter les siens pour amortir ses investissements. Si le producteur monte ses prix de vente et que les consommateurs baissent leurs prix d’achats, seuls les intermédiaires trinquent. Petit à petit, donc, les intermédiaires ont disparu. Nous sommes passés de chaines de distribution longues (producteur -> grossiste 1 -> grossiste 2 (importateur par exemple) -> grossiste 3 -> demi-grossiste -> détaillant -> consommateur) à des chaines courtes ou ultra-courtes (producteur -> magasin unique : hypermarché par exemple -> consommateur). L’utilité économique des intermédiaires, avec l’amélioration des transports en particulier, était d’ailleurs de plus en plus contestable. Les intermédiaires parasitaient donc la chaine de distribution en ajoutant leur marge et donc, à chaque étape, en augmentant sans justification le prix du produit.

Certains se sont crus plus malins et ont argumenter en faveur de tous-petits-commerçants connaissant une clientèle de grande proximité agissant au sein de chaînes marketing ultra-longues. Il est probable, en effet, que ces gens soient plus malins parce qu’eux ont gagné beaucoup d’argent. On ne peut pas en dire autant des tous-petits-commerçants travaillant pour eux. Pourquoi ? C’est très simple. A chaque achat-revente, le commerçant ajoute sa marge, sa rémunération. Donc, plus il y a d’achats et de reventes (principe de la vente pyramidale), plus il y a de marges qui s’ajoutent les unes aux autres et donc plus le prix du produit est finalement élevé pour le consommateur final. Donc moins celui-ci achètera et plus il se tournera vers les chaînes ultra-courtes de type hypermarché.

La vente pyramidale ne marche donc pas. Bon. Faisons donc du neuf avec du vieux et créons un groupe à structure pyramidale hiérarchisée (vendeur placé sous l’autorité d’un vendeur-chef, lui même inféodé à son chef et ainsi de suite jusqu’à la centrale d’achat), qui n’a rien d’une secte mais plutôt d’un piège à gogos. Il ne faut pas ajouter marge sur marge ? Aucune importance… Une seule marge sera ajoutée (vente directe du producteur au distributeur indépendant) puis répartie entre les différents éléments de la Chaîne, ce qui revient en fin de compte exactement au même sur le plan économique. Pourquoi une chaîne ? Simplement pour recruter les distributeurs indépendants… Lorsque vous êtes distributeurs indépendants, vous devez vendre vos stocks, achetés pour entrer dans ce groupement qui vous promet la fortune. A qui vendre des produits invendables parce que trop chers, à cause des marges, par rapport à ses concurrents d’hypermarchés de qualité identique ? A d’autres distributeurs indépendants bien sûr (dont vous deviendrez le chef bien sûr et qui travailleront pour vous), à qui vous promettez vous-mêmes la fortune. Donc, le client du groupement. n’est pas le consommateur final mais… les distributeurs indépendants. D’où la fortune de son fondateur : quelle meilleure promesse publicitaire pour la promotion d’un produit que la fortune assurée pour ses acheteurs ? Même le Loto n’avait pas osé ! Au passage, bien sûr, vous vendez quelques produits officiellement destinés aux distributeurs indépendants (cassettes et livres méthodologiques) : il n’y a pas de petits bénéfices. Et ça marche… le chiffre d’affaire d’un groupement de ce genre, jusqu’à l’arrivée malencontreuse de la presse et de l’ADFI (le secticide), n’a pas cessé d’augmenter, avec des bénéfices considérables, non-consolidés comptablement puisqu’il ne s’agit pas d’un groupe financier unique mais d’un distributeur central et de distributeurs indépendants. (Je rappelle que le bénéfice peut être brut ou consolidé : lorsqu’on consolide, on retire les opérations internes à un groupe pour ne conserver que les achats et les ventes avec l’extérieur du groupe).

Tant qu’il existe des gens pour entrer dans la chaîne et, donc, acheter les produits, ce type de groupements va très bien. Dès lors que la confiance dans un groupement s’effrite, plus personne ne rentre dans la chaîne et, donc, tout s’écroule. Il suffit alors d’en recréer un autre…

Et, grâce aux ventes pyramidales, nous avons fait le bond tant attendu jusqu’à notre époque actuelle après avoir visité le pléïstocène, le néolithique, le moyen-âge et les deux derniers siècles. Quelque chose me dit que l’on va bientôt parler de l’avenir.

2.4 Economie et Emploi.

Le Marché du Travail et de l’Emploi a pour objet l’échange entre du travail et une rémunération. Les statuts respectifs de l’employeur et de l’employé n’ont, en économie, que très peu d’importance, au contraire d’un point vue juridique. Pour qu’il y ait échange, il faut accord entre offreur et demandeur sur la chose (le travail lui-même, sur les deux plans : qualitatif et quantitatif) et son prix. L’équilibre signifie que toute l’offre et toute la demande sont satisfaites. Donc : postes vacants = 0 et Chômage = 0. Politiquement, l’équilibre est recherché alors qu’il est loin d’être atteint. Il y a donc depuis de nombreuses années des interventions de l’Etat sur ce marché pour tenter de le réguler, au grand dam des libéraux qui prétendent que ce sont justement ces mesures qui, en s’accumulant, paralysent le marché et provoquent le chômage.

Posons d’abord une question iconoclaste : pourquoi le travail ? Tout producteur est un employeur, tout consommateur a des revenus (salaires ou fruits de ce salaire : allocations sociales financées par des taxes directes ou indirectes sur le salaire, rentes diverses dues au placement de ce salaire). Le marché du travail est donc absolument vital à l’économie en général.

L’intervention de l’Etat, keynesienne, a deux objectifs : réguler le marché et tenter l’équilibre d’une part, et, d’autre part, intégrer des données exogènes, extra-économiques, telles que la Solidarité Nationale, la lutte contre l’extrème pauvreté, la cohésion sociale, etc…

Pour que la production soit assurée, il faut que la demande de travail soit couverte. Pour que les objectifs sociaux soient atteints, il faut que la demande d’emploi soit couverte. L’objectif est donc bien l’équilibre absolu du marché, la saturation réciproque de la demande et de l’offre. Il faut, pour cela, une adéquation parfaite, à la fois qualitative et quantitative, entre la demande et l’offre : offre de compétences adaptées à la demande de travail, équilibre entre offre et demande de salaire, disponibilité du travailleur aux horaires attendus par son employeur, offre de travail conforme en quantité (durée du travail) à la demande des employeurs, etc… Mais la confrontation parfaite et concurrentielle entre l’offre et la demande, cher objet du désir des libéraux, se heurte à trois problèmes : le problème géographique (la bonne compétence au bon endroit), le problème de l’accès à l’offre d’emploi (Connait-on tous toutes les offres d’emplois, même potentielles, qui peuvent nous intéresser ?) et celui de l’accès à l’offre de travail (Les PME ont besoin de personnel ultra-qualifié, c’est connu, mais ne peuvent pas se le payer ou se permettre de passer du temps et de l’argent à le chercher).

Le problème de l’adéquation entre le travail demandé et offert se pose à quatre niveaux : la qualification (Est-ce un problème d’Etat ? Doit-elle être à l’initiative de l’entreprise ? La qualification générale de base peut-elle être priv(atis)ée ? Doit-on distinguer cette dernière de la qualification professionnelle ? Y-a-t-il anticipation rationnelle des besoins de personnel en terme de qualification alors que la qualification prend du temps ? …); la qualité même du travail, sa complexité (Y-a-t-il concurrence déloyale entre jeunes, normaux et vieux ? Favoriser les défavorisés par des mesures incitatives n’aboutit-il pas à rendre défavorisés ceux qui l’étaient pas, selon le célèbre slogan avancé lors de la crise du C.I.P. “ Papa, j’ai trouvé un boulot : le tien ” ?); la quantité globale de travail (temps individuel de travail multiplié par le nombre d’individus, que l’on peut réduire en diminuant le temps de travail hebdomadaire ou l’âge de la retraite ou en augmentant la durée des études des jeunes); et enfin la rémunération (Le surcoût d’une grande qualification est-il justifié ? La course à la qualification ne produit-elle pas une surqualification générale de la main d’œuvre qui se répercute plus ou moins sur les rémunérations ou les coûts indirects ? Le coût obéït-il vraiment aux lois du marché, si on y intègre les charges sociales, retraites capitalisées incluses, et si on considère le SMIC et les Conventions Collectives ? Doit-il y obéïr ? Doit-on suivre les keynésiens et augmenter les salaires ou croire les libéraux et les diminuer, SMIC inclus ? La différence de coût entre une main d’œuvre qualifiée d’un pays riche et une main d’œuvre non-qualifiée d’un pays pauvre est-elle justifiée ?).

En fait, il faut, je crois, raisonner autour du problème de la productivité du salaire. Celle-ci est le rapport entre le salaire (coût global) et la production réellement effectuée grace au travailleur ainsi rémunéré. Or cette productivité du salaire n’a pas cessé de croitre. Au point que la valeur des produits est aujourd’hui bien supérieure au pouvoir d’achat des travailleurs, d’où une absence de débouchés, d’où une crise. Le gros problème, en particulier, est que peu de gens travaillent mais ceux qui travaillent le font longtemps. Le salaire est déjà réparti entre toute la population : les salaires servent déjà, en effet, à financer les ASSEDIC et les retraites. Alors, pourquoi ne pas aussi répartir le travail et, donc, diminuer massivement le temps de travail sans diminuer le salaire net ? La tendance générale de l’économie n’est-elle pas, tout simplement, le temps de travail zéro, à cause de la croissance de la productivité ? La pertinence de la question “ Pourquoi le travail ? ” devient alors évidente, et ce d’une manière inédite dans toute l’histoire humaine, au delà des rêves les plus fous de Saint-Simon.

Le Marché du Travail et de l’Emploi est étudié sans spécificité par l’Economie, malgré le fait qu’il s’agit ici d’êtres humains (soyons négriers un peu). Par ailleurs, on y adopte, quelque soit le parti au pouvoir ou le pays, joyeusement les principes keynesiens mais le marché des biens et services et le marché financier mondiaux sont voulus libéraux et régis par les volontés du paradigme libéral.

Il y a là une incohérence que nous payons très cher. Le Libre-Echangisme tue-t-il l’économie capitaliste socialisée moderne ou bien est-ce l’inverse ?

Publication initiale dans Cunéus n°0 (revue de l’AREPAS – association de réflexion en économie, politique et application des sciences) en février 1996 sous le titre « De la nature même de notre monde économique » (article légèrement revu).

Couverture Individus SolidairesRetrouvez cet article dans le recueil Soyons des individus Solidaires.