Carcer et autres libérationsCette nouvelle complète le recueil « Carcer et autres libérations » dont le thème général est l’enfermement.

17 août 2007

Carole avait les mains dans les poches de son manteau. Elle attendait, le regard dans le vide, sur un quai de la gare. Le premier train de la journée pour la capitale était attendu avec quelques minutes de retard. Enfin, les haut-parleurs lancèrent l’annonce de l’entrée en gare de l’express.
Quant le train fut immobilisé, l’homme qui était à côté de Carole lui donna son billet pour la capitale, le plaçant dans une poche intérieure du manteau, et lui souffla simplement à l’oreille : « vas-y. Assieds toi à l’une des places que tu vois de libre, ici, dans ce wagon. »

Carole monta dans le train en utilisant la porte juste en face d’elle. Elle marcha sans vraiment regarder où elle allait. Elle s’assit sagement sur la première banquette, à gauche de la porte : les deux places étaient libres. Son regard n’allait nulle part, simplement vers un endroit du côté de la banquette devant elle. L’homme était resté sur le quai jusqu’à la fermeture des portes du train. Quand le dernier wagon eut quitté la gare, il sourit, retira ses gants et rejoignit sa camionnette stationnée à quelques dizaines de mètres de là puis il démarra.
Dans cette petite gare de province, peu de gens montaient ou descendaient du train mais cela ne justifiait pas que quiconque examine de trop près cette jeune femme qui s’était simplement installée dans un wagon ordinaire comme n’importe quel passager, ou bien son accompagnateur.

17 août 2004

Carole avait du mal à se réveiller. Elle avait terriblement mal à la tête. Sa main froide lui fit du bien en se posant son front. Elle s’aperçut soudain qu’elle était couchée sur un sol dur et froid.
Pourtant, la dernière chose dont elle se souvenait, c’était la plage, avec le soleil, le ciel bleu, les enfants qui jouent.
Elle ouvrit les yeux. Sa vue était trouble, tout dansait dans son regard. Carole mit quelques minutes à retrouver une vision normale. Mais son mal de tête ne voulait pas partir. Elle avait la nausée et comme un vertige.
Enfin, elle comprit qu’elle était allongée sur un sol en béton, dans un bâtiment. Avait-elle eu une insolation et l’avait-on posée là, à l’ombre, en attendant les secours ?
Elle réussit à se mettre à genoux puis à regarder autour d’elle.
La pièce était entièrement en béton, du sol au plafond en passant par les murs. Rien n’était peint. Une ampoule pendait au plafond et éclairait l’endroit d’une lueur sinistre. Il n’y avait pas de soupirail, juste un trou dans le plafond, qui servait sans doute d’aération.
A côté d’elle, un lit à deux places était recouvert d’une literie propre et bien mise. Un peu plus loin, il y avait un petit lavabo avec, au dessus, un miroir.
Le seul accès dans la pièce semblait être une porte d’acier percée d’un œilleton.

18 août 2007

L’interne montrait son exaspération par des mouvements les plus divers du buste, du visage ou des mains. Le lieutenant, accompagné de deux agents en uniforme, répéta sa demande.
« Il faut qu’on l’interroge maintenant. C’est important. »
L’interne se contenta de leur indiquer d’un geste autant vague que las le couloir menant à la chambre de Carole, se contentant de prononcer son numéro. En l’absence du chef de service, à cette heure matinale, il ne pouvait guère user d’autorité envers les forces de l’ordre.
Les infirmières regardaient de travers le groupe de trois policiers. Clairement, ceux-ci n’étaient pas les bienvenus dans ce service hospitalier. Enfin, ils parvinrent au numéro indiqué par l’interne de garde. Le lieutenant frappa à la porte.
« Qu’est-ce que c’est ? » demanda une voix féminine autoritaire à l’intérieur.
« Police judiciaire. Pouvons-nous… »
Le lieutenant n’eut pas le temps de terminer sa phrase. La porte s’ouvrit brutalement, révélant une infirmière des plus massives.
« C’est à quel sujet ? »
« Nous venons interroger la victime… »
« Qu’a dit le médecin-chef ? »
« Il n’est pas là mais l’interne… »
« Je vous laisse cinq minutes. Je viens de terminer sa toilette. Elle est fatiguée. Elle a besoin de repos. »
« Je comprends. Nous ferons vite. Je vous promets. »
L’infirmière fit le nécessaire pour qu’on comprenne qu’elle ne laissait la place que contrainte et forcée mais elle disparut avec le chariot de soins.
Un des policiers en uniforme resta de faction à la porte. Les deux autres entrèrent dans la chambre.

Carole était allongée, le regard perdu quelque part vers le plafond, le corps recouvert jusqu’au menton du drap blanc réglementaire.
Quand elle entendit approcher ses nouveaux visiteurs, elle dirigea son visage et ses yeux vers eux mais on pouvait douter qu’elle les regarde vraiment.
« Mademoiselle ? Vous m’entendez, Mademoiselle ? » demanda le plus doucement possible le lieutenant en se forçant à sourire.
« Oui » fit Carole d’une faible voix.
« Bonjour, Mademoiselle… »
« Bonjour. »
« Je suis le lieutenant Mathieu Villette, de la Police Judiciaire. Vous souvenez-vous de ce qui vous est arrivé ? »
« J’étais dans un train. Quelqu’un m’a parlé. Puis il s’est mis à crier. Je ne sais pas pourquoi. J’ai été bousculé. Je ne sais pas ce qui s’est passé ensuite. Je me suis réveillé ici. »
« Un contrôleur de la compagnie ferroviaire vous a fait évacuer dans une gare pas très loin d’ici. Vous ne lui répondiez pas quand il vous a demandé votre titre de transport. Puis vous vous êtes évanouie. Nous avons trouvé votre billet et vos papiers sur vous. »
« Ah ? »
« Mais avant, est-ce que vous vous souvenez de quelque chose d’avant le train ?
« Oui. »
« Quel est votre prénom ? Votre âge ? »
« Carole. »
Elle s’arrêta un instant, semblant être plongée dans une profonde réflexion. Puis elle dit simplement, sans vraiment être sûre d’elle : « 26 ans ? »
Le lieutenant hésita. Puis il corrigea la réponse.
« Non, mademoiselle. Ca, c’était votre âge il y a trois ans, quand vous avez disparu. »
« Disparu ? Trois ans ? »
Carole resta bouche bée. Puis elle conclut : « il a tenu parole, alors. »
« Qui a tenu parole, mademoiselle ? »
« L’homme qui s’est occupé de moi durant trois ans. Il m’avait dit qu’il ne me garderait que trois ans. »
« Vous a-t-il frappé ? Nous n’avons trouvé aucune trace de coups sur votre corps. »
« Au début, il m’a frappé. Juste le temps qu’il a fallu pour que je lui obéisse. Après, j’ai été sage et il a été gentil avec moi. »
« Mademoiselle, une autre jeune femme a disparu hier, peu de temps après le départ de votre train de la gare où vous êtes montée. Tout porte à croire que l’homme qui vous a libérée a simplement changé de victime. »
« Vous croyez qu’il va la garder trois ans ? »
« J’aimerais que nous la retrouvions plus vite que cela, mademoiselle. Et pour cela, j’ai besoin de vous. J’ai besoin que vous me disiez… »
« C’est triste… »
Carole n’écoutait plus. Elle pleurait.

Le policier en uniforme aurait pu être le père du lieutenant. Il posa une main sur l’épaule de son chef. Quand celui-ci le regarda, l’agent lui fit un signe de tête pour l’inviter à sortir. Ils quittèrent la chambre sans même saluer Carole.
« Nous ne tirerons rien d’elle aujourd’hui » constata le policier en uniforme en sortant.
« Elle ne se souvient de rien ? » s’enquit celui resté en planton.
Le lieutenant pestait.
« Si, probablement si. Mais elle est en état de choc. Et pendant ce temps… Déjà qu’on a eu un mal de chien à obtenir confirmation de la gare où elle est montée, il ne faut pas compter sur des éléments matériels pour démarrer l’enquête. Il n’y a pas de vidéosurveillance dans ce trou perdu, donc inutile de songer à récupérer une photo quelconque du salaud qui les a enlevées. Il le savait, évidemment. C’est au moins la quatrième fille qu’il enlève. La deuxième a été tuée d’une balle dans la tête dix jours après son enlèvement. On a retrouvé son cadavre dans un chemin creux. La première, gardée trois ans aussi, s’est suicidée à l’hôpital quelques jours après qu’on l’ait retrouvée. La troisième, c’est Carole, enlevée le jour où la précédente a été tuée. »

17 août 2005

Carole était allongée sur le lit, la tête vers le centre de la pièce pour profiter de la lumière de la seule lampe présente dans la cave. Elle lisait Les Misérables de Victor Hugo. Lire était pratiquement tout ce qu’elle pouvait faire ici. Heureusement, la bibliothèque de son hôte semblait bien garnie : il suffisait de demander un titre, ancien ou moderne. Et, au pire, il n’hésitait pas à acquérir de nouveaux ouvrages si le besoin s’en faisait sentir. Quand son invitée n’avait plus d’idée, l’hôte commençait à suffisamment bien connaître les goûts de celle-ci pour lui suggérer quelque chose qui, en général, convenait. Carole profitait donc de son séjour pour rattraper des années d’inculture.
Dès le premier jour, il lui avait annoncé les règles de vie dans cet endroit. La cave ne contenait qu’un seul meuble : le lit, en plus du lavabo et des toilettes bien entendu. Ni tapis, ni décorations, ni même peinture : tout était d’un béton nu. Carole devait se laver et tenir l’endroit propre ainsi que faire son lit. Pour cela, elle disposait d’un balais, d’éponges, de produits d’hygiène et d’entretien et de tout le linge utile. Son hôte apportait le linge propre et remmenait le linge sale. Carole n’avait pas à travailler pour lui.
Il lui avait clairement dit les choses. Il ne lui prendrait que 5% de sa vie d’adulte : trois ans. Durant trois ans, elle serait à lui. Au delà, elle redeviendrait libre.
Il savait qu’elle était chômeuse, célibataire et sans enfant, comme toutes ses invitées. Bref, il ne lui demandait pas de sacrifier qui que ce soit ou quoi que ce soit d’autre que 5% d’elle-même.
Il n’y avait finalement qu’une seule condition pour que tout se passe bien : lui obéir. Cela impliquait de ne pas chercher à connaître l’endroit où se situait la cave ou bien l’identité de l’hôte. Au début, il avait dû la frapper un peu. Et même la menacer d’un revolver. Il lui avait dit qu’il y avait bien un moyen pour que son séjour s’abrège, autant celui dans la cave que celui en ce monde terrestre et qu’il n’hésitait pas à abréger le séjour de jeunes femmes désobéissantes. Mais, d’un autre côté, il était bon cuisinier et Carole n’avait pas à se plaindre de sa pitance, servie chaude deux fois par jour, en plus d’un petit déjeuner digne d’un hôtel. Il devait y avoir une petite kitchenette derrière le mur de la cave car il semblait à Carole que c’était là qu’il lui préparait ses repas.
Tant qu’elle obéissait et respectait les règles, tout se passait bien. Carole le comprit assez vite.

Pendant que les canons de Waterloo grondaient, la climatisation se remit en route, pulsant de l’air chaud par le plafond. Carole, bien que ne portant un maillot de bain deux pièces en permanence, n’avait jamais froid. Il n’y avait pas de thermomètre dans la cave mais elle estimait qu’il devait faire en toutes saisons vingt-cinq degrés, comme dans un hôpital.

Au fil des pages, la bataille de Waterloo s’éloignait. Carole entendit alors la clé tourner dans la serrure de la porte. Elle inséra son marque page et referma son livre puis elle s’assit sur le bord du lit.
Comme toujours, il portait une cagoule de motard, un T-shirt noir sans la moindre marque et un pantalon de jogging également noir. Mais on devinait un large sourire aux plissures visibles de la peau autour des yeux. Et il gardait ses deux mains dans son dos.
« Bonsoir, Carole. »
« ‘soir. »
« Savez-vous quel jour on est aujourd’hui ? »
« Euh… Non… »
« Cela fait un an que nous sommes ensemble. »
Il sortit de derrière son dos un petit gâteau au chocolat portant une bougie. Il chercha des yeux le plateau qui servait à Carole pour son repas. Celui-ci était simplement posé contre le mur. L’homme le prit, le posa bien à plat sur le sol et y installa le gâteau avec une cuillère.
« Je ne le mange pas ? »
« Pas tout de suite. D’abord, faisons ce que nous avons à faire. Ensuite j’allumerai la bougie et je vous laisserai déguster tranquillement votre gâteau. »
« Faites vite, s’il vous plaît. Il a l’air bon ce gâteau… »
Carole s’allongea bien dans le lit, retira la culotte de son maillot, et écarta les jambes. L’homme vint s’installer entre elles et baissa son pantalon juste ce qu’il fallait.
Elle ne put s’empêcher de penser au gâteau et de jouir pleinement, comme elle se surprenait de plus en plus à le faire durant leurs petits exercices biquotidiens.

30 août 2007

Le lieutenant Mathieu Villettes soupira. Carole était assise en face de lui, le regard baissé vers ses chaussures. Il est vrai qu’elles lui faisaient mal : durant trois ans, Carole était restée pieds nus.
« Je suis désolé, Lieutenant, mais je ne vois vraiment rien qui pourrait vous aider. »
« Bon. Il n’a jamais quitté sa cagoule et ses tenues noires. Aucun signe physique particulier visible. Taille moyenne, yeux verts. D’accord. Vous étiez droguée en arrivant et il vous a drogué à votre insu pour vous faire sortir, sans doute en mélangeant un produit à votre nourriture. Aucun soupirail d’où vous auriez pu voir quelque chose d’intéressant. Pas de bruit entendu du dehors. »
Carole eut un sourire gêné et humble, comme pour s’excuser. Elle gardait les mains sur les genoux.
« Et que dit le psychiatre, mademoiselle ? si je peux savoir, bien entendu. »
« Depuis que j’ai quitté l’hôpital, je suis suivie par un psychiatre près de chez mes parents, où j’habite en ce moment. Il me dit que c’est normal d’avoir peur de sortir quand on a été enfermé trois ans dans une cave. Il dit qu’il va me falloir du temps. Je le vois trois fois par semaine. Là, on va devoir espacer nos séances : je vais partir au grand air quelque jours et seule. »
« Seule ? »
« Pas très loin. Et je garde en permanence un téléphone mobile avec un module de positionnement GPS. Je me suis engagée à appeler et attendre dans un coin tranquille qu’on vienne me chercher si jamais j’avais une crise d’angoisse. Mon psychiatre m’a encouragé à le faire lorsque je lui ai affirmé que je pensais en avoir le courage. Je crois vraiment que ça va me faire du bien. Je vais prendre le train et ensuite aller à pieds. J’ai réservé un petit hôtel dans une toute petite ville. »
« Vous partez quand ? »
« Ce soir »
A ces mots, le visage de Carole s’était illuminé.
Le policier pensa soudain qu’elle était bien jolie et il sourit, oubliant un instant qu’il n’avait pas le moindre début de piste pour retrouver ce cinglé. Et il y avait à ce moment là même une autre femme en train de commencer à subir ce que Carole avait elle-même enduré.

27 juin 2007

Carole avait entendu la clé tourner dans la serrure et la porte s’ouvrir puis un juron suivi « j’ai oublié de… », le reste s’étant perdu. L’homme était reparti en courant et avait monté un escalier.
Carole posa son livre. Elle laissa Twissel secouer Harlan dans « La fin de l’Eternité » d’Isaac Asimov. Il fallait, pour le salut du Temps, que les deux héros ne désespèrent pas. Mais, du temps, Carole risquait de n’en avoir que très peu.
La porte était entrouverte.

Carole passa la main par la porte, tâtant la serrure de l’autre côté. La clé n’était plus là. Il était parti avec.
Elle ouvrit un peu plus la porte et regarda l’autre pièce. C’était une cave. Il y avait un soupirail dans un coin à travers lequel on voyait de l’herbe assez haute.
A côté de la porte, il y avait bien une petite kitchenette. Une assiette propre attendait qu’on s’en serve. Quelque chose sentant bon la tomate et les épices mijotait dans une casserole.
Derrière l’assiette, il y avait une pile de lettres et un magazine, jetés là. Au dessus, une étagère. Sur celle-ci, un revolver et, à côté, une boite de cartouches.
Carole regarda dans la pièce. Il n’y avait personne. Dans le fond, un escalier en colimaçon montait au rez-de-chaussée.

Très nerveuse, Carole quitta sa cellule et vint regarder la pile de courrier. Tout était destiné à « Docteur Lionel Longemer » suivi d’une adresse. Toujours la même.
Des pas dans l’escalier.

Carole se précipita dans sa cellule et tira la porte contre l’huis, comme elle était avant qu’elle ne tente son incroyable sortie.
Elle respirait fort. Elle retourna s’allonger pour se calmer pendant qu’elle entendait l’homme servir son repas dans l’assiette.

2 septembre 2007

Carole arrivait au but de son voyage. Elle avait trouvé. Une maison bourgeoise style dix-neuvième siècle, avec une pelouse devant et séparée de la petite rue par un haut mur de pierres. A la porte, une plaque : « Docteur Lionel Longemer, médecine vétérinaire. Pas de consultation à cette adresse. La clinique est située… ».
Dans cette province, il n’était pas courant de fermer sa porte lorsqu’on était présent. Un dimanche, l’homme devait être là. Et puis, c’était l’heure.

La porte ne grinça pas lorsque Carole la poussa. Elle prit garde de bien refermer, le plus doucement possible, derrière elle.
La porte d’entrée comportait un vaste verre cathédrale derrière une grille de fer forgé. Le vestibule semblait désert ou, en tous cas, il n’y avait pas de mouvement visible. Carole poussa de nouveau la porte et la referma derrière elle. Il n’y avait effectivement personne dans ce vestibule d’un style très bourgeois et classique.
Elle retira ses chaussures et les dissimula dans un porte-parapluie.

Carole marchait sur la pointe des pieds, le plus doucement possible. Une porte était ouverte, dans un couloir. Il donnait sur un petit escalier en colimaçon descendant dans la cave. Carole respira un grand coup.
Son coeur battait la chamade. Elle dût s’appuyer sur le chambranle quelques instants. Il était l’heure. Elle avait peu de temps.
Prenant son courage à deux mains, elle descendit dans la cave.

Elle arriva, comme elle le pensait, face à la kitchenette. La porte de la cellule était entrouverte. On entendait des pleurs et des gémissements de femme, des mouvements du matelas et des halètements de l’homme.

Au dessus de la kitchenette, le revolver était toujours là. Carole le prit. Elle vérifia que l’arme était chargée, l’arma et laissa en place la boite de cartouches.
Elle plia le bras droit comme un robot, pointa le revolver droit devant elle. Avec la main gauche, elle écrasa une petite larme de nervosité qui coulait de l’un de ses yeux.

Les gémissements ne cessaient pas mais avaient décru. Les halètements se faisaient par contre moins fréquents mais plus intenses. Il y en eu un dernier particulièrement fort, presque un râle. Après une petite pause quasi-silencieuse, on entendit l’homme se lever et dire un mot gentil à la femme.
D’un geste brusque, Carole ouvrit la porte de la cellule et se plaça sur son seuil, l’arme pointée vers le lit.
« Carole ? » s’exclama l’homme en train de réajuster son pantalon.
La femme poussa un énorme « Oh, mon Dieu, merci ! ». Elle réunit ses deux jambes sur sa poitrine avant de les détendre brutalement et d’envoyer sur le sol l’homme, resté tétanisé et obnubilé par l’arme dans la main de Carole, ne prenant plus garde à ce que pouvait faire la femme.
Celle-ci se précipita vers la porte.
Il y eut un premier coup de feu. Carole réarma et avança de trois pas. Il y eut un second coup de feu, tiré à bout portant dans la tête.

3 septembre 2007

L’homme portait le plateau avec un bol de café, des croissants et un verre de jus d’orange.
Carole lui sourit et posa « Les Dieux eux-mêmes… » d’Isaac Asimov sur le sol. Lamont pouvait bien attendre quelques instants avant de résoudre le mystère de la pompe à électrons. Elle réajusta les bretelles du haut de son maillot de bain deux pièces.
L’homme baissa la tête, semblant regarder les pieds de Carole lorsqu’ils se posèrent sur le sol. On sentait ses yeux humides dans la bande ouverte de sa cagoule.
Carole franchit d’un pas alerte les quelques mètres qui la séparait de l’homme, sur le tout nouveau tapis qui dissimulait une partie rougie du sol en béton, et lui prit son plateau des mains pour le poser un peu plus loin sur le sol.
« Vous avez oublié de fermer la porte à clé hier soir » lui reprocha Carole en souriant, comme on le fait à un petit enfant qui a commis une petite bêtise.
« Est-ce bien toujours nécessaire de fermer ? » demanda-t-il, d’un air gêné.
« Bien sûr. Je pourrais de nouveau lire du courrier qui ne m’est pas destiné ou bien prendre le revolver, sur l’étagère. »
« Je l’ai changé de place. »
« C’est plus prudent que de le laisser là, à ma portée » convint-elle.
« Je ne pensais pas que vous… »
« Par contre, vous pourriez vous mettre plus à l’aise » l’interrompit Carole.
Elle lui retira son T-shirt noir. Il se laissa faire. La base de la cagoule avait roulé sur son menton durant l’opération. Carole lui remit en place.
Elle lui caressa le torse, juste assez velu pour être viril mais sans excès. Elle posa sa tête sur la poitrine de l’homme, respirant sa sueur qui perlait, en descendant ses mains jusqu’au pantalon qu’elle entreprit de retirer. L’homme ne portait pas de sous-vêtement.
Les fesses de l’homme étaient musclées, comme son ventre. Carole s’accroupit pour accompagner le pantalon jusqu’au sol. L’homme leva un pied après l’autre pour que Carole puisse se saisir du pantalon et le jeter dans un coin, avec le T-shirt.
« C’est mieux ainsi, non ? »
L’homme restait silencieux. Il regardait Carole, cherchant à comprendre quelque chose qu’il n’avait pas du tout envisagé.

Carole croisa ses mains derrière le cou de l’homme. Elle lui sourit. Derrière le tissu de la cagoule, la bouche de l’homme était entrouverte, comme bée.
Elle marcha à reculons vers le lit, comme tirant l’homme par une laisse faite de ses bras.
« Il n’y a que moi qui suis à vous. Pas pour trois ans. Pour toujours. Jusqu’à ma mort. Jusqu’à ce que, peut-être, vous vouliez me la donner en ultime cadeau. »