Les belles histoires de Tonton PierreIl est entendu que Da Vinci Code, de Dan Brown, est une bouse littéraire au scénario invraisemblable enrichi en méchants créant des manœuvres abracadabrantesques pour être certains que les gentils vont les vaincre. Mais il n’en demeure pas moins que la base de Da Vinci Code est une très ancienne hypothèse exégétique et historique. Hypothèse hérétique, cela va de soi. Mais hypothèse très crédible, à savoir que Jésus était marié à Marie-Madeleine.
Et la récente affaire dite « Evangile de la femme de Jésus » vient relancer l’histoire. Dans un contexte religieux où la femme est méprisée, le sexe vilipendé, le célibat glorifié, etc. , c’est évidemment cocasse. Et, rappelons-le, évidemment hérétique.

Comme vous le savez, puisque vous avez lu ma Belle Histoire sur le sujet, Jésus n’était qu’un des très nombreux prédicateurs qui parcouraient la Palestine vers l’an 30 après sa naissance supposée. Il était appelé Rabbi, titre qui signifiait qu’on lui reconnaissait un certain statut, donc un certain âge. Et chacun sait que les rabbins juifs sont mariés puisque, eux, respectent le commandement « croissez, multipliez-vous ». Donc le fait que Jésus ait été marié n’a, à la base, rien de choquant. Au contraire, c’est son célibat qui aurait pu choquer à l’époque. Cet aspect de la vie de Jésus est tout simplement absent des textes comme toute sa vie de famille, à quelques détails près. On notera juste un conte merveilleux qui constitue le prologue de l’évangile de Mathieu, texte sans équivalent dans les deux autres évangiles synoptiques (Marc, Luc) et ajout tardif directement inspiré des textes apocryphes connus sous le terme générique « cycle de l’enfance ».

En fait, plusieurs problèmes vont se poser au début de l’Église, problèmes dont la résolution va amener le célibat de Jésus. D’abord, la nature de Jésus. Comme vous le savez, ce sujet va faire couler beaucoup de salive, d’encre et de sang. Mais, s’il est Dieu, peut-il prendre femme à la manière de Zeus ? Cela ferait désordre. Paul de Tarse est un misogyne notoire qui va faire disparaître les femmes de la liturgie.
A cela s’ajoute la certitude de la fin du monde prochaine. L’Apocalypse de Jean n’est qu’un exemple -le seul canonique- dans un genre littéraire très riche, celui des récits de fins du monde. Les premiers chrétiens étaient persuadés que la fin du monde n’allait pas tarder, avec résurrection dans la foulée pour les disciples de Jésus. Deux mille ans plus tard, on l’attend encore. De ce fait, faire des enfants n’avait pas de sens et pouvait même être vécu comme un manque de foi dans cette arrivée prochaine de la fin du monde.
Les disciples devaient se préparer à la résurrection, donc se concentrer sur leur âme et mépriser leur corps. On retrouvera la même dérive chez les Cathares, résurgence de vieilles hérésies des débuts du christianisme.
N’oublions pas que si Jésus avait une femme, cela amènerait à justifier des femmes-prêtres. Voire une femme-pape. Dans un monde dominé par le machisme latin et la misogynie de Paul de Tarse… c’est embêtant.
Dernier problème très embêtant, si Jésus était marié à Marie-Madeleine, il a dû avoir des enfants. Mais, dans ce cas, ces enfants sont-ils divins, demi-divins… ? Ne seraient-ils pas les chefs naturels de l’Église au lieu de Paul de Tarse ? Il est plus simple de dire qu’il n’y a pas eu d’enfant, pas de femme, rien.
Bref, pas de femme, pas de problème.

Et pourtant…
Le quatrième évangile dit de « Jean » ne nomme jamais « le disciple que Jésus aimait ». Jamais. Jean est un nom donné par la tradition à l’auteur du quatrième évangile, sans doute par association avec Jean de Patmos, auteur de l’Apocalypse et qui n’a probablement jamais connu Jésus.
Imaginons un instant que Jésus était marié. Pire, qu’il était marié à Marie-Madeleine. Beaucoup d’incongruités disparaissent.
Marie-Madeleine tenait un caravansérail, d’où sa qualification de « prostituée ». Elle était donc riche. Or la Cène se déroule chez quelqu’un de suffisamment riche pour avoir une maison assez grande et des serviteurs. Et on sait, grâce au récit du quatrième évangile, que « Jean » (« le disciple que Jésus aimait ») était à la droite de Jésus lors de la Cène, donc sans doute le propriétaire des lieux. Jésus était bien sûr à la place d’honneur. Il semble dès lors logique d’identifier « Jean » et Marie-Madeleine, ce que beaucoup d’exégètes ont fait.
Le « vrai » Jean, Jean de Patmos, aurait pu dès lors être le secrétaire de Marie-Madeleine, partie en exil, un peu comme Marc (auteur du deuxième évangile dans l’ordre canonique, le premier dans l’ordre historique) a été le secrétaire de Pierre. Cette hypothèse est évidemment très discutée, des différences notables de styles existant entre les deux textes.
Reste la question des enfants…