La nouvelle est passée relativement inaperçue : le chanteur Pascal Obispo a décidé de se lancer dans l’auto-production et l’auto-diffusion. Il a pour cela créé un service baptisé Obispoallaccess avec une application mobile associée.

En tant que chantre de l’auto-édition, je ne peux que me réjouir qu’un artiste connu comprenne qu’un éditeur ou une maison de disques constituent beaucoup de contraintes sur la liberté artistique, sur la propriété intellectuelle, etc. pour des bénéfices de plus en plus minces à l’heure où la vente de disques physiques (CD ou autres) s’effondre et que le streaming progresse.

Historiquement, le créateur était le plus souvent dans l’incapacité de diffuser son oeuvre. Recopier, imprimer, fabriquer des supports physiques quelconques (disques, cassettes, CD…) coûtaient cher. Un artiste, surtout débutant, était incapable de le financer. Il devait donc céder son oeuvre à un exploitant qui, lui, apportait un savoir-faire et surtout des moyens industriels et financiers. Au XXIème siècle, cet argument n’a tout simplement plus aucun sens : les moyens techniques sont devenus abordables. Le créateur n’a donc plus à se soumettre à un tiers capitaliste, il peut rester autonome.

Des chanteurs qui se sont lancés, il y en a eu plein : Prince, Madonna, Taylor Swift, Jay Z, Moby, Aretha Franklin, Jean-Jacques Goldman ou Francis Cabrel… D’autres ont créé des labels comme Claude François. Beaucoup en sont revenus en tout ou partie. Enregistrer, rester propriétaire et maître de son oeuvre, c’est relativement simple. Diffuser, par contre, était jusqu’à présent complexe car supposant des moyens logistiques importants. Avec la dématérialisation, le problème disparait.

Cependant, je suis dubitatif sur l’initiative de Pascal Obispo que, par ailleurs, j’apprécie moyennement. En effet, son modèle économique est celui d’une plate-forme de streaming payante exclusivement dédiée à son oeuvre. Alors, d’accord, il a un certain nombre d’albums à son actif. Mais l’abonnement à 5,99 euros (59,99 euros à l’année), je pense que c’est trop cher, beaucoup trop cher. Avec 56 millions de titres, Deezer coûte 9,99 euros par mois. Spotify est sur le même tarif. Certes rien n’est gratuit en ce bas monde et certes l’artiste doit payer de nombreux collaborateurs et prestataires (musiciens, ingénieurs du son, studios d’enregistrement, le créateur de la plate-forme Mobelite…) mais le tarif semble tout de même dissuasif. Les bonus communautaires (karaokés, interviews…) ne suffisent pas. Je pense donc que l’initiative va échouer.

Très concrètement, rester propriétaire et maître de son oeuvre me semble d’autant plus indispensable que c’est aujourd’hui aisé. Par contre, la diffusion doit rester confiée à des plates-formes pour de simples raisons pratiques et marketing. Il faut veiller à ne pas avoir une autre relation que celle entre un vendeur et un distributeur : aucune exclusivité, aucune cession de droits, capacité à cesser une collaboration infructueuse… Comme je le dis dans ma conférence sur l’auto-édition, dès lors que l’on vend, il faut savoir se plier aux attentes de ses clients, bref faire du marketing.