Les ombres de Morbourg

Si on excepte des rois ou équivalents, j’ai peu de riches dans mes romans. C’est un sujet qui m’intéresse peu. Dans Les ombres de Morbourg, cependant, il existe plusieurs grandes familles ayant une certaine fortune entrepreneuriale. Pourquoi vous en parler aujourd’hui ? Parce que j’ai eu envie de souligner combien le concept de richesse est relatif à une époque.

Un article de Slate se posait la question de savoir si les riches Romains étaient plus ou moins riches que nos riches actuels. D’autres articles essaient de comparer la richesse entre pays et époques. L’homme le plus riche de tous les temps aurait ainsi été un roi du Mali, propriétaire de nombreuses mines d’or, mais ses descendants furent ruinés quand les mines furent épuisées.

Or ces calculs se basent en général sur la monnaie ou sur un moyen similaire (l’or, l’argent…). Bref, ils considèrent la richesse de manière relative entre individus d’une même localisation et d’une même époque. Et, ensuite seulement, comparent les positions des uns et des autres par rapport à leurs petits camarades. Si Crassus possédait la moitié de Rome ou une fortune égale au budget annuel de la Cité, quelle serait sa richesse actuelle dans les mêmes conditions ? Du coup, serait-il plus riche que Bill Gates ou Elon Musk dont on connait le patrimoine actuel avec précision ?

Je prétends que c’est un calcul purement social et pas économique. Certes, pour certains, ce qui compte, c’est d’être plus riche que son voisin.

Mais si on considère le pouvoir d’achat effectif, je pense que beaucoup de nos contemporains sont beaucoup plus riches que Crassus. Moi y compris. En effet, la croissance de la production a fait que nous pouvons bénéficier de biens et de services dont Crassus n’aurait pas pu jouir, même en mettant de côté des questions technologiques. Un monarque de jadis pouvait-il traverser la planète plusieurs fois dans sa vie ? Non. Nous, oui. Un nanti romain pouvait-il manger de la viande à tous les repas ? Non. Nous, oui. Se soigner d’à peu près tout était-il à la portée d’un évêque du Moyen-Âge ? Non. De nous, oui. Certes, la technologie a permis ces progrès en pouvoir d’achat. Mais une technologie précise n’est pas strictement nécessaire.

Pour moi, être riche, c’est avoir du pouvoir de faire. Et de ce point de vue, nous sommes très nombreux à être beaucoup plus riche que les plus riches de l’Antiquité ou même d’époques plus récentes.