Le 18 juin 1940, le sous-secrétaire d’Etat à la Défense de l’avant-dernier gouvernement de la Troisième République française, le colonel et général à titre provisoire Charles De Gaulle, a lancé un appel à résister à l’invasion allemande du territoire national sur les ondes de la BBC. Cet appel a constitué un refus de reconnaître l’autorité de son ancien mentor (avec qui il était déjà fâché), le maréchal Philippe Pétain, nommé président du conseil et, de ce fait, dernier chef du gouvernement de la Troisième République puisqu’il pilota l’abolition de cette même république le 10 juillet 1940.

Juridiquement, la France était dirigée par Philippe Pétain et les ordres de son gouvernement étaient ceux de l’autorité constituée. L’acte de De Gaulle constituait donc une trahison et il fut à ce titre condamné à mort par un tribunal militaire le 2 août 1940. Pour se justifier, De Gaulle évoqua la trahison des responsables de Vichy, ce qui est une opinion morale mais pas une réalité juridique. Opinion morale et réalité juridique ne se rejoignirent qu’avec la prise du pouvoir par De Gaulle.

Alors que la France est en pleine débâcle autant au niveau politique que militaire, le discours, diffusé sur les ondes d’une radio anglaise, passa globalement inaperçu. Il constitua cependant un acte de rupture entre une France résistante et une France acceptant l’armistice et l’occupation avant d’accepter la collaboration. En plus de la guerre étrangère, la France entra alors dans une guerre civile. Il y eut désormais deux gouvernements : celui de Vichy, légal, et celui de Londres, insurrectionnel et soutenu par la Grande-Bretagne. La victoire du gouvernement insurrectionnel en 1944-1945 fut liée à celle de son soutien britannique, les Etats-Unis étant très réticents à accepter l’autorité de De Gaulle en France (et c’est peu dire).

Les années qui ont suivi l’Appel du 18 juin 1940 ont été marquées par une série d’occasions manquées pour réconcilier deux France qui restèrent jusqu’au bout, jusqu’à la défaite nazie, totalement en opposition. Par exemple, que se serait-il passé si le président de la République Albert Lebrun était parti à Alger en juin 1940 au lieu de démissionner ? Lorsque la Zone Libre a été envahie le 11 novembre 1942, Philippe Pétain aurait pu, aussi, rejoindre Alger et tenter de réconcilier les deux France. Il refusa. Il est vrai que les projets politiques des deux France étaient radicalement opposés, par delà la question de la conduite de la guerre : projet fasciste pour Pétain, tombé en plein délire narcissique, projet républicain pour De Gaulle. Le Parti Communiste Français joua sa propre partition dans ce conflit et finit, sur l’ordre de Moscou, par accepter d’être l’allié de De Gaulle.

Entre la réalité des faits, le manque d’impact évident de la déclaration du 18 juin 1940 (qui n’est pas même enregistrée), et le mythe construit autour de cet appel, il y a un véritable ravin. Certes, le symbole est important : c’est un acte de rupture. Mais la Résistance a mis longtemps avant de se constituer. La photographie qui illustre cet article, de même, n’a pas été prise le 18 juin 1940 mais bien plus tard, à une date inconnue par un photographe non-identifié, comme l’indique la présence d’une croix de Lorraine sur la veste de De Gaulle, symbole choisi en juillet 1940.

L’Appel du 18 juin, certes un acte fondateur mais à l’impact effectif quasi-nul, fait donc clairement partie des mythes nationaux.