Je vais peut-être devenir moins sympathique à vos yeux mais tant pis. Je dois vous avouer que je suis un tueur en série. Mais attention : je suis un tueur en série contrarié. Peut-être êtes-vous comme moi. Je vais vous raconter et vous me direz, à l’occasion.

Un tueur en série contrarié, c’est comme un gaucher qu’on oblige à tout faire de la main droite, un gaucher contrarié. Moi je suis un tueur en série qui n’aime pas tuer, donc qui ne passe pas à l’acte. Des râles, ça me casse les oreilles. Du sang partout, c’est dégoûtant et c’est difficile à nettoyer. Non, décidément, je ne peux pas. Pourtant, certains contemporains me poussent à exercer ma passion : franchement, ils donnent envie qu’on les assassine très cruellement. Mais, même là, je ne peux pas.

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Bon, soyons honnêtes, je me complais régulièrement à assassiner mes personnages au fil de mes romans et de mes nouvelles. Même l’humanité entière peut y passer, par exemples dans Génération Oméga : ceux qui connaîtront la fin du monde, Le survivant solitaire ou bien Pendant que le monde s’écroule.

Les morts peuvent aussi joncher les pages de mes romans policiers. Bien sûr, on peut penser à Au bord du lac, personne n’est innocent et évidemment à Les ombres de Morbourg. Si on excepte Ma nuit a été belle, puisque c’était même le cahier des charges initial (ni mort, ni souffrance), on peut même parier qu’il y a au moins un mort dans chacun de mes livres, même comiques.

Donc, plutôt qu’être un tueur en série contrarié, peut-être pourrait-on me qualifier de tueur en série virtuel. Je tue beaucoup mais seulement des personnages de fiction. Pourquoi pas ?

Mais, et vous ? Etes-vous des tueurs en série contrariés, virtuels ou simplement qui s’ignorent ?

Je ne parle pas des petits joueurs qui se contentent d’aller un peu trop vite en voiture ou à moto, au risque de défoncer ou de renverser une famille partant en vacances. Il y a des gens qui ne font rien (vraiment rien) contre le réchauffement climatique voire qui l’accélèrent, avec leurs voitures ou les mille mauvais comportements du quotidien. Ceux-là tuent en série l’humanité entière des générations futures. Ce sont des tueurs en série différés, en quelque sorte. Il y a les industriels qui polluent et ceux qui achètent leurs produits : ils tuent les gens qui vivent autour des usines. Il y a les gens qui achètent des produits à des esclavagistes qui exploitent des travailleurs du tiers-monde, mourant de misère, de maladies ou d’accidents du travail. Ce sont des tueurs en série par délégation.

Alors, finalement, je me sens moins seul en tant que tueur en série contrarié.

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