Coup de gueule

Une chose m’énerve terriblement : les beaux graphiques à qui l’on fait dire n’importe quoi. C’est un outil utilisé par tous ceux qui veulent manipuler leurs interlocuteurs. Eventuellement, certains répéteurs ont eux-mêmes été trompés et sont persuadés d’être des experts parce qu’on leur a montré un beau graphique.

La vie et le monde ne se résument pas à de beaux graphiques. Les données de base peuvent être exactes (ce qui permettra de proclamer : « vous pouvez vérifier ! Les chiffres sont bons ! »). Mais on en tire des conclusions erronées voire absurdes. C’est une arme classique des complotistes et des escrocs politiques.

Par exemple, au moment de la crise sanitaire Covid, le gouvernement proclamait que les structures hospitalières étaient saturées. Des complotistes sont sortis du bois avec une affirmation : des lits d’hôpitaux étaient fermés. Les chiffres étaient exacts. Sauf qu’un lit en traumatologie n’est pas un lit en réanimation : son équipement n’est pas le même. Si on interdit aux gens de faire du ski, il n’y aura moins de fractures, donc on peut fermer des lits en traumatologie et réaffecter le personnel en réanimation (pour faire certaines tâches, pas toutes, mais ça peut aider). Une donnée décontextualisée peut s’avérer trompeuse.

De la même façon, eurosceptiques et brexiters ont tordu les chiffres pour montrer que la Grande-Bretagne devait sortir de l’Union Européenne. On a vu le résultat. Les eurosceptiques continuent malgré tout, en étant écoutés de certains, à expliquer en long, large et travers que l’Euro est le mal, que l’Union Européenne tue les économies nationales, etc.

Le principe du « beau graphique » est simple : on prend une donnée (ou un petit ensemble de données) et on essaye d’interpréter la totalité du monde avec. C’est simple. Cela a l’apparence de la logique. Mais c’est n’importe quoi.

Le monde est complexe. On ne peut pas expliquer l’économie en regardant une seule donnée ou famille de données. Par exemple, le suivi des masses monétaires ne suffit pas à expliquer une économie ou à prédire des crises. La monnaie n’est en effet pas isolée. De même, prétendre qu’une économie nationale va s’effondrer pour x raisons mais que l’économie du voisin dont l’économie est imbriquée va s’en sortir, c’est stupide.

Les exemples peuvent être ainsi multipliés. D’une manière générale, quand quelqu’un vous sort un beau graphique et prétend, à cette seule lumière, vous éclairer sur le destin du monde, soyez certains d’une seule chose : c’est un escroc.