Metropolis, de Fritz Lang, avec Brigitte Helm, Alfred Abel et Rudolf Klein-Rogge, est sorti le 6 février 1927. Je ne l’avais jamais vu alors que ce film expressionniste muet allemand est réputé pour être l’une des oeuvres cinématographiques les plus importantes de l’histoire.

Or il se trouve que je me suis récemment abonné à deux plates-formes de vidéo à la demande, Amazon Prime et Disney+, qui comportent chacune son lot de classiques. Sur la première, on trouve ainsi la version restaurée quasi-intégrale de 2011 de Metropolis, avec la musique symphonique originale composée par Gottfried Huppertz. L’occasion était donc trop bonne de rattraper mon retard.

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Le film se base sur le roman homonyme de Thea von Harbou paru en 1926 et se déroule un siècle plus tard, en 2026. Notons que l’auteur est l’épouse allemande nazie du réalisateur autrichien Fritz Lang, anti-nazi, catholique et juif par sa mère (convertie quand il avait dix ans). Fritz Lang a fui l’Allemagne pour les Etats-Unis en 1933, après son divorce.

Le livre de Thea von Harbou s’ouvre sur un avertissement : « Ce livre n’est pas un tableau du présent. Ce livre n’est pas un tableau de l’avenir. Ce livre ne se passe nulle part. Ce livre ne sert aucune tendance, aucune classe, aucun parti. Ce livre est un drame qui tourne autour d’une seule et même expérience : Le médiateur entre le cerveau et les mains, ce doit être le cœur. ». Vue sa thématique de révolte de la classe ouvrière exploitée menée par une androïde, l’avertissement était sans doute nécessaire à l’époque. Le film ne conserve que la dernière phrase de l’avertissement, notée sur un panneau d’introduction et répétée plusieurs fois.

Un homme génial et richissime (la tête) a donc créé Metropolis, où les étages des hautes tours sont destinés à la vie de plaisirs des classes dirigeantes. Mais tout cela sans la moindre affection pour ceux qui font marcher les machines (les mains), dans les tréfonds de ce monde. Ces ouvriers vivent dans la misère et l’oppression. Une femme prophétesse leur donne l’espoir d’un médiateur qui viendra réconcilier tout le monde. Mais la tête entend déclencher une vague de violences pour pouvoir mener une répression. Pour cela, il charge un savant fou d’animer son robot en lui donnant le visage de la dite prophétesse. Le robot va donc déclencher la révolte, un peu trop car le savant fou trahit la tête, coupable de lui avoir volé son amour de jeunesse. Mais le fils de la tête se prend de pitié pour les ouvriers et mènera sa propre croisade, celle du coeur, pour réconcilier tout le monde.

Idéologiquement, le film promeut donc la fameuse collaboration des classes, voulue par les différentes dictatures fascistes. Celle-ci s’oppose à la lutte des classes des communistes. Ni les uns ni les autres n’envisagent bien sûr la disparition de classes rigides où chacun « est à sa place ». La fin du film est d’ailleurs d’une confondante naïveté.

Le film a marqué l’histoire du cinéma par ses techniques et ses effets spéciaux mais aussi ses aspects purement esthétiques. L’apparence des tours, de la cité ouvrière, du laboratoire du savant fou ou encore celle de l’androïde ont, par exemple, fortement inspiré de nombreux films. Fritz Lang a fait partie des premiers à donner des lettres de noblesse à l’art cinématographique là où beaucoup ne voyaient qu’un divertissement de bas étage. Le travail sur les angles de vue ou les lumières est très innovant. De la même façon, les scènes oniriques où les métaphores sont posées (comme celle transformant la machine en dieu dévoreur de sacrifiés) sont d’une construction très spécifique et marquante.

Maudit, le film l’est à plus d’un titre. Il y a bien sûr le message idéologique et la naïveté du propos. Mais ce n’est pas tout. Il a aussi été l’une des origines du divorce entre Fritz Lang et sa femme à cause de leurs divergences d’appréciation sur l’histoire. Enfin, Metropolis a été pratiquement perdu durant près d’un siècle. Seule une version fortement coupée subsistait. La version restaurée de 2010-2011 est presque complète : on a retrouvé une version en pellicule 16mm dans un musée argentin qui a permis de boucher les trous et de reconstruire la quasi-totalité du film. Il en résulte des pertes de qualité importantes par moment, dans les scènes récupérées en 16mm.